Juin 04

10 MAI 2023 MOUNIA KABIRI KETTANI

Considéré comme l’un des secteurs les plus énergivores, le bâtiment est aujourd’hui au cœur des priorités des acteurs de l’efficacité énergétique de toute la région méditerranéenne. Le défi est double : réduire à la fois la consommation énergétique mais aussi les émissions de gaz à effet de serre.  

Le secteur du bâtiment représente près de 40% de la consommation d’énergie, et est responsable de 36% des émissions CO2 dans la région de la méditerranée. Il est donc censé que les experts de l’énergie se focalisent sur ce secteur pour optimiser les économies d’énergie. D’ailleurs, le sujet a été au centre des débats à l’occasion de la deuxième édition de la semaine du MeetMed tenue à Marrakech du 9 au 12 mai. Selon Saïd Mouline, directeur général de l’AMEE, l’efficacité énergétique dans ce secteur devient aujourd’hui cruciale surtout que le changement climatique, impacte fortement la consommation de l’énergie (climatisation/chauffage…). Il précise à l’Observateur du Maroc et d’Afrique que tous les bâtiments sont concernés : bâtiments de services et ceux résidentiels.

Une priorité marocaine mais aussi régionale

L’amélioration de l’efficacité énergétique dans secteur figure en tête des priorités majeures du projet MeetMed II. Financé par l’UE et développé par MEDENER et le RCREEE, l’objectif, d’après le directeur exécutif du RCREEE, Jaouad El Kharraz est d’identifier les mesures actuelles d’EE mises en œuvre dans le secteur du bâtiment dans les pays cibles, à savoir, l’Algérie, l’Egypte, la Jordanie, le Liban, la Libye, le Maroc, la Palestine et la Tunisie, avec un intérêt particulier pour les codes de rendement énergétique applicables dans le domaine. Il s’agit également de mettre l’accent sur les principaux défis rencontrés et conclure avec une série de recommandations pour encourager et promouvoir aussi l’usage des équipements électroménagers performants et économes en énergie. Le projet s’étale sur 42 mois jusqu’à la moitié de l’année 2024.

L’événement a été ainsi l’occasion pour les pays de la méditerranée de partager leurs expériences dans le domaine. Au Maroc, le secteur du bâtiment est parmi les secteurs les plus énergivores au Maroc avec une consommation énergétique allant jusqu’à 33% répartie en 7% pour les bâtiments tertiaires et 26% pour les bâtiments résidentiels. Cette consommation est sujette d’augmentation vu la croissance démographique, la création de nouvelles villes et l’utilisation soutenue de systèmes de climatisation et de chauffage que connaît le pays.

Selon l’AMEE, le secteur représente à lui seul un potentiel d’économie d’énergie de 40%. Dans cette perspective et afin d’instaurer un cadre réglementaire et normatif régissant la performance énergétique dans le secteur du bâtiment, une réglementation thermique de la Construction au Maroc (RTCM) existe depuis 2015 et exigé au niveau des permis de construire. L’objectif étant d’introduire des exigences minimales que doivent respecter les bâtiments à usage résidentiel et tertiaire neufs en vue d’optimiser leurs besoins de chauffage et de climatisation tout en améliorant le confort thermique.

Les bâtiments devront à cet effet, être conçues suivant des principes d’architecture tropicale pour limiter la demande énergétique en période d’intense chaleur et réduire l’usage de la climatisation. Les performances thermiques exigées, selon cette réglementation, diffèrent selon le type du bâtiment et selon la zone climatique ou il se trouve. Mouline note que le Maroc est ainsi divisée en 6 zones climatiques : Agadir, Tanger, Fès, Ifrane, Marrakech et Errachidia. Sur les avantages, il ajoute que cette stratégie permet une réduction des besoins de 39 à 64% dans le résidentiel et de 40 à 59% dans le tertiaire

Pour faciliter l’étude de conformité des bâtiments résidentiels ou tertiaires à la RTCM, l’AMEE a conçu le logiciel Binayate (gratuit sur notre site Web) permettant de réaliser les études de conformité selon les deux approches performancielle et prescriptive. Ce logiciel est destiné aux ingénieurs, architectes, administrations, universitaires et professionnels du secteur du bâtiment.

De l’avis de Philippe Masset, le directeur Europe et international de l’agence de la transition écologique (ADEME), il est urgent d’aborder le bâtiment sous l’aspect adaptation et reconstruire dans un milieu adapté et selon des normes capables d’atteindre les objectifs escomptés en matière d’efficacité énergétique. Il insiste par ailleurs sur le rôle du secteur privé dans ce processus avec l’introduction de solutions innovantes dans l’acte de bâtir. De son côté le représentant du Portugal, a mis en avant les mesures adoptés dans son pays dans ce domaine. «Nous ciblons plus les bâtiments de service que ceux relevant du résidentiel qui représentent plusieurs défis à surmonter », fait-il savoir précisant que la première catégorie représente 30% du total dans le pays. Selon le même expert, il est nécessaire de labelliser les bâtiments afin d’améliorer l’efficacité énergétique.

La ville marocaine de Tata a réalisé de grandes avancées dans ce domaine. En tout cas c’est ce qu’a affirmé Aali Laghfiri, vice président de la commune de la ville qui a relevé que les professionnels du secteur recourent aujourd’hui aux matériaux de construction locaux, résistants à la chaleur et au froid. Un projet pilote a été déployé d’ailleurs au niveau du centre info énergie (CIE) qui d’après lui, est considéré comme un bâtiment bioclimatique. « L’ambition est de généraliser l’expérience au cours de la prochaine période », ajoute t-il.

Ce que pourra gagner le citoyen

Dans cette stratégie d’efficacité énergétique du secteur du bâtiment, le citoyen est aussi concerné. Les avis sont unanimes : le citoyen devra changer ses habitudes de consommation. Et pour cela, ils préconisent le recours à des campagnes de sensibilisation en vue de se débarrasser de touts les appareils électroménagers inefficients. Il est ainsi conseillé de revoir son système de chauffage et de climatisation et opter pour le matériel qui consomme le moins en termes d’énergie. Vu que les réfrigérateurs et les climatiseurs sont les plus énergivores, l’AMEE a développé des normes d’étiquetages énergétiques et les éléments techniques des MEPS (Minimum Energy Performance Standard) pour ces deux catégories de produits afin de diminuer la facture énergétique. Mouline estime qu’il faut aujourd’hui développer les bons reflexes. «Pour acheter une voiture, le citoyen opte pour celle qui consomme moins d’énergie. Pareil pour les autres appareils électroménagers, il faudrait choisir le produit le plus performant qui pourrait certes coûter plus cher, mais qui va s’avérer plutôt économique grâce à un simple calcul », préconise le professionnel. Concrètement, le patron de l’AMEE parle d’une économie qui pourrait atteindre jusqu’à 1,5 milliards de dollars pour le pays. «en 2022, la facture énergétique a frôlé la barre de 15 milliards de dollars. Si chacun réalise une économie de 1% cela veut dire une économie de 1,5 milliard de dirhams sur notre facture énergétique. Et si le taux est de 10%, ca serait l’équivalent de 1,5 milliards de dollars sans parler de l’impact sur nos émissions, nos engagements climatiques », détaille Mouline ajoutant que tout le monde pourra gagner en adoptant ce processus : l’Etat et le citoyen.

https://lobservateur.info/article/106535/economie/video—meetmed-marrakech-lefficacite-energetique-dans-le-batiment-est-incontournable

Juin 04

Mercredi 24 Mars 2021 

L’AMEE intervient désormais dans le développement de la production propre dans l’industrie, l’efficacité énergétique et la mobilité durable, avec un focus important sur l’accompagnement du secteur industriel marocain à sa décarbonation. 

Saïd Mouline, Directeur général de l’Agence marocaine pour l’efficacité énergétique (AMEE), aborde tour à tour dans cet entretien l’efficacité énergétique dans le secteur du bâtiment, l’enjeu de la mobilité durable pour le Maroc et le potentiel de l’écosystème entrepreneurial dans le domaine de l’environnement et des greenTechs.

Propos recueillis par M. Diao

Finances News Hebdo : Le secteur du bâtiment est parmi les branches les plus énergivores au Maroc, avec une consommation énergétique allant jusqu’à 33%. Quelles sont les actions entreprises par l’AMEE afin de réduire cette consommation, tout en garantissant l’amélioration de la performance thermique des bâtiments au Maroc ?

Saïd Mouline : Après la publication du texte sur la réglementation thermique dans le bâtiment, et étant conscient de l’ampleur de la consommation énergétique dans ce secteur, l’AMEE multiplie son intervention dans le domaine sous plusieurs formes : la mise en place de projets de démonstration dans différents types de bâtiments existants (hôpitaux, cités universitaires, administrations, etc.) et dans différentes villes afin de donner l’exemple et de démontrer l’impact énergétique, économique et social des solutions d’efficacité énergétique. Il y a aussi la formation des architectes, la mise en place de labels pour les bâtiments efficients, sans oublier la mise en place des performances minimales des équipements comme les réfrigérateurs et les climatiseurs, car il faut prendre en compte, outre l’enveloppe du bâtiment, les appareils utilisés en son sein.

Par ailleurs, l’AMEE offre son assistance technique à plusieurs organismes et bâtiments publics, dans le cadre de l’exemplarité de l’Etat, lors de l’élaboration des cahiers des prescriptions spéciales (CPS) de construction, en intégrant les exigences techniques permettant de respecter la règlementation thermique dans la construction au Maroc (RTCM) et d’améliorer la performance thermique des bâtiments. Nous offrons également une panoplie de formations sur l’efficacité énergétique dans le bâtiment destiné aux professionnels du domaine pour les guider et leur faciliter l’adoption des critères d’efficacité énergétique dans leurs projets, notamment au niveau de notre Green Platform à Marrakech.

F.N.H. : L’AMEE est très impliquée dans les programmes et actions allant dans le sens de la promotion de la mobilité durable. Quels sont les enjeux de ce secteur pour le Royaume ainsi que les résultats obtenus en matière de mobilité durable ?

S. M. : Le secteur du transport est un levier important de l’activité socioéconomique. Il consomme plus de 38% de l’énergie finale au Maroc et contribue à plus de 23% des émissions de GES. De ce fait, notre pays a lancé plusieurs programmes et projets afin d’accompagner cette demande accrue sur les transports des biens et des personnes. Le but est de répondre à la demande croissante de la mobilité et limiter l’impact énergétique et environnemental des déplacements. On peut citer le programme national de prime à la casse et le renouvellement du parc des taxis, lancé en 2010, le développement du transport collectif des passagers avec les projets d’extension du réseau par des lignes à grande vitesse ou de tramway dans les villes, ou le déploiement de projets pilotes de bornes de recharge de véhicules électriques.

Dans ses nouvelles missions, l’Agence accompagne la mobilité durable. L’AMEE a proposé une fiscalité incitative, comme la suppression des droits de douane et de la vignette pour les voitures électriques et hybrides, aujourd’hui en vigueur. L’exemplarité de l’Etat est aussi à citer, avec la promotion de l’utilisation des véhicules hybrides ou électriques dans l’administration mais aussi la formation à l’écoconduite, car l’efficacité énergétique n’est pas seulement question de technologie, mais aussi de comportement.

F.N.H. : Quel regard portez-vous sur l’écosystème de l’entrepreneuriat dans le domaine de l’environnement et des greenTechs au Maroc (start-up, financement, incubateurs, etc.) ?

S. M. : L’écosystème de l’entrepreneuriat dans le domaine de l’environnement et des greentechs constitue un véritable potentiel de création d’emplois verts, notamment dans les secteurs de l’économie verte. De plus en plus, des jeunes sont actuellement intéressés par les secteurs verts et une panoplie de mécanismes de soutien technico-financier sont mis à disposition de ces entrepreneurs comme pour les industriels, car la décarbonation va devenir un instrument supplémentaire de compétitivité. Le programme Tatwir Vert, mis en place avec notre ministère de tutelle et Maroc PME, est là pour accompagner ces investissements. Par ailleurs, plusieurs lignes de financement dédiées (Green Value Chain et Green Economy Financial Facility) sont aussi disponibles aujourd’hui grâce à nos partenaires européens et plusieurs banques locales qui se sont sérieusement impliquées. Tous ces programmes offrent des aides financières et subventions à l’investissement et aux études techniques ou projets de développement.

F.N.H. : Enfin, à court et moyen terme, quelles sont les principales priorités de l’AMEE, placée officiellement depuis l’année dernière sous la tutelle du ministère de l’Industrie, du Commerce, l’Investissement et de l’Economie verte et numérique ?

S. M. : Notre nouveau ministère de tutelle a fixé comme priorité la décarbonation de notre industrie. Cela consiste pour les industriels à réduire au maximum tous les intrants (matière première, énergie, eau), d’utiliser au maximum les énergies renouvelables pour l’électricité et pour la chaleur et de favoriser l’économie circulaire pour la gestion des déchets. L’AMEE, en effet, intervient désormais dans le développement de la production propre dans l’industrie, l’efficacité énergétique et la mobilité durable, avec un focus important sur l’accompagnement du secteur industriel marocain à sa décarbonation. Il ne faut pas oublier que l’Europe, qui est notre principal partenaire, se prépare à l’adoption d’une nouvelle mesure non tarifaire : «la taxe carbone aux frontières». Les conséquences d’une telle mesure sur les exportations risquent d’être importantes et nous devons en faire un atout pour notre pays en faisant profiter nos industriels du bas coût des énergies renouvelables qui sont par nature décarbonnées.

Juin 04

DOUNIA MOUNADI 15 MAI 2016

Pour s’inscrire dans les normes de la nouvelle réglementation thermique des bâtiments, des surcoûts à l’investissement ont été identifiés et évalués par l’Agence nationale pour le développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (Aderee) à travers les projets pilotes réalisés lors de la préparation de la réglementation.

Après son entrée en vigueur complète au troisième trimestre 2015, la loi sur la réglementation thermique des bâtiments a atterri dans un contexte mitigé. Aussi, en dépit des efforts consentis par les pouvoirs publics pour motiver les promoteurs, le manque de matériaux conformes et les surcoûts engendrés par le respect de la nouvelle réglementation continuent à entraver la transition chez les investisseurs en immobilier. De même, bien que l’objectif de la nouvelle réglementation soit simplement d’introduire les exigences minimales que doivent respecter les bâtiments à usage résidentiel et tertiaire neufs, les promoteurs immobiliers attendent de sonder les dispositions qui seront mises en œuvre par les pouvoirs publics pour contrôler le respect de la loi avant de songer à s’investir dans la conformité à la nouvelle loi.

Vous avez dit surcoûts ?

Pour s’inscrire dans les normes de la nouvelle réglementation thermique des bâtiments, des surcoûts à l’investissement ont été identifiés et évalués par l’Agence nationale pour le développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (Aderee) à travers les projets pilotes réalisés lors de la préparation de la réglementation.
Il s’agit de surcoûts étudiés selon la zone climatique du bâtiment. Il en ressort donc que pour la zone climatique d’Agadir, Casablanca et Rabat, le surcoût pour une unité sociale se chiffre à 50 DH/m2, alors que pour Fès, Béni Mellal et Meknès, le surcoût peut aller jusqu’à 207 DH/m2. Ainsi, en moyenne nationale, le surcoût d’investissement est évalué à 112 DH/m2, soit 3,2% du coût moyen de construction. A ce stade, si les promoteurs peuvent facturer ces surcoûts dans leur prix de commercialisation, la pilule risque d’avoir plus de mal à passer pour les promoteurs du logement social tenus de vendre au prix réglementaire de 250.000 dirhams. De même, si la nouvelle réglementation se profile comme un produit de niche, le marché des matériaux de construction ne semble pas suivre. Tout comme les promoteurs immobiliers, les industriels sont dans l’expectative. Aussi, tant que la demande ne se manifeste pas à grande échelle, l’offre restera très restreinte.

En attente de sanctions…

Si la loi a clairement désigné les ministères de l’urbanisme, de l’habitat, de l’intérieur, de l’énergie et de l’équipement comme étant chargés de l’exécution des nouvelles dispositions de réglementation thermique des bâtiments, elle n’a pas prévu de sanctions dans le cadre du non-respect des normes exigées.
Il s’agit donc d’un cadre légal dissuasif plutôt que répressif. Le principe est de ne délivrer l’autorisation de construire et le permis d’habiter aux constructeurs qu’après s’être assuré qu’ils ont bien respecté les exigences thermiques. Ainsi, dans la pratique, les maîtres d’œuvre concepteurs des projets sont sommés de remplir une fiche technique d’identification de leur projet qui servira de base de contrôle, et qui précisera les performances thermiques de chaque composante du bâtiment par rapport aux exigences réglementaires. A ce titre, rappelons que celles-ci sont relatives à des normes minimales concernant les toitures, les murs extérieurs, les fenêtres, les planchers et les vitrages. Selon le texte réglementaire, ces prescriptions varient selon le type de bâtiment, résidentiel ou tertiaire, ou encore sa surface en baies vitrées. Les exigences varient également selon la localisation de la construction sur le territoire national.

Réglementation thermique : Objectifs identifiés !

Au Maroc la consommation annuelle en énergie (toutes sources confondues) est de 0,5 tonne équivalent pétrole par habitant, elle augmente de 4,3% chaque année. De même, en ce qui concerne l’électricité, un Marocain consomme 781 KWh annuellement. Une donnée qui, selon l’Aderee, augmentera de 7,8% annuellement.
C’est dans ce sillage que la politique d’efficacité énergétique (EE) visant la réduction de la consommation énergétique de 12% à l’horizon 2020, notamment dans les secteurs clés de développement, à savoir le bâtiment, l’industrie et le transport, s’est concrétisée par l’adoption de la loi 47-09 en 2009. Aussi, dans cette perspective et afin d’instaurer un cadre règlementaire et normatif régissant la performance énergétique dans le secteur du bâtiment, l’Aderee à travers le programme national d’EE dans le bâtiment, avec l’appui du PNUD et en concertation avec les partenaires potentiels du secteur en question, a élaboré une réglementation thermique dans le bâtiment.