Mercredi 24 Mars 2021
L’AMEE intervient désormais dans le développement de la production propre dans l’industrie, l’efficacité énergétique et la mobilité durable, avec un focus important sur l’accompagnement du secteur industriel marocain à sa décarbonation.
Saïd Mouline, Directeur général de l’Agence marocaine pour l’efficacité énergétique (AMEE), aborde tour à tour dans cet entretien l’efficacité énergétique dans le secteur du bâtiment, l’enjeu de la mobilité durable pour le Maroc et le potentiel de l’écosystème entrepreneurial dans le domaine de l’environnement et des greenTechs.
Propos recueillis par M. Diao
Finances News Hebdo : Le secteur du bâtiment est parmi les branches les plus énergivores au Maroc, avec une consommation énergétique allant jusqu’à 33%. Quelles sont les actions entreprises par l’AMEE afin de réduire cette consommation, tout en garantissant l’amélioration de la performance thermique des bâtiments au Maroc ?
Saïd Mouline : Après la publication du texte sur la réglementation thermique dans le bâtiment, et étant conscient de l’ampleur de la consommation énergétique dans ce secteur, l’AMEE multiplie son intervention dans le domaine sous plusieurs formes : la mise en place de projets de démonstration dans différents types de bâtiments existants (hôpitaux, cités universitaires, administrations, etc.) et dans différentes villes afin de donner l’exemple et de démontrer l’impact énergétique, économique et social des solutions d’efficacité énergétique. Il y a aussi la formation des architectes, la mise en place de labels pour les bâtiments efficients, sans oublier la mise en place des performances minimales des équipements comme les réfrigérateurs et les climatiseurs, car il faut prendre en compte, outre l’enveloppe du bâtiment, les appareils utilisés en son sein.
Par ailleurs, l’AMEE offre son assistance technique à plusieurs organismes et bâtiments publics, dans le cadre de l’exemplarité de l’Etat, lors de l’élaboration des cahiers des prescriptions spéciales (CPS) de construction, en intégrant les exigences techniques permettant de respecter la règlementation thermique dans la construction au Maroc (RTCM) et d’améliorer la performance thermique des bâtiments. Nous offrons également une panoplie de formations sur l’efficacité énergétique dans le bâtiment destiné aux professionnels du domaine pour les guider et leur faciliter l’adoption des critères d’efficacité énergétique dans leurs projets, notamment au niveau de notre Green Platform à Marrakech.
F.N.H. : L’AMEE est très impliquée dans les programmes et actions allant dans le sens de la promotion de la mobilité durable. Quels sont les enjeux de ce secteur pour le Royaume ainsi que les résultats obtenus en matière de mobilité durable ?
S. M. : Le secteur du transport est un levier important de l’activité socioéconomique. Il consomme plus de 38% de l’énergie finale au Maroc et contribue à plus de 23% des émissions de GES. De ce fait, notre pays a lancé plusieurs programmes et projets afin d’accompagner cette demande accrue sur les transports des biens et des personnes. Le but est de répondre à la demande croissante de la mobilité et limiter l’impact énergétique et environnemental des déplacements. On peut citer le programme national de prime à la casse et le renouvellement du parc des taxis, lancé en 2010, le développement du transport collectif des passagers avec les projets d’extension du réseau par des lignes à grande vitesse ou de tramway dans les villes, ou le déploiement de projets pilotes de bornes de recharge de véhicules électriques.
Dans ses nouvelles missions, l’Agence accompagne la mobilité durable. L’AMEE a proposé une fiscalité incitative, comme la suppression des droits de douane et de la vignette pour les voitures électriques et hybrides, aujourd’hui en vigueur. L’exemplarité de l’Etat est aussi à citer, avec la promotion de l’utilisation des véhicules hybrides ou électriques dans l’administration mais aussi la formation à l’écoconduite, car l’efficacité énergétique n’est pas seulement question de technologie, mais aussi de comportement.
F.N.H. : Quel regard portez-vous sur l’écosystème de l’entrepreneuriat dans le domaine de l’environnement et des greenTechs au Maroc (start-up, financement, incubateurs, etc.) ?
S. M. : L’écosystème de l’entrepreneuriat dans le domaine de l’environnement et des greentechs constitue un véritable potentiel de création d’emplois verts, notamment dans les secteurs de l’économie verte. De plus en plus, des jeunes sont actuellement intéressés par les secteurs verts et une panoplie de mécanismes de soutien technico-financier sont mis à disposition de ces entrepreneurs comme pour les industriels, car la décarbonation va devenir un instrument supplémentaire de compétitivité. Le programme Tatwir Vert, mis en place avec notre ministère de tutelle et Maroc PME, est là pour accompagner ces investissements. Par ailleurs, plusieurs lignes de financement dédiées (Green Value Chain et Green Economy Financial Facility) sont aussi disponibles aujourd’hui grâce à nos partenaires européens et plusieurs banques locales qui se sont sérieusement impliquées. Tous ces programmes offrent des aides financières et subventions à l’investissement et aux études techniques ou projets de développement.
F.N.H. : Enfin, à court et moyen terme, quelles sont les principales priorités de l’AMEE, placée officiellement depuis l’année dernière sous la tutelle du ministère de l’Industrie, du Commerce, l’Investissement et de l’Economie verte et numérique ?
S. M. : Notre nouveau ministère de tutelle a fixé comme priorité la décarbonation de notre industrie. Cela consiste pour les industriels à réduire au maximum tous les intrants (matière première, énergie, eau), d’utiliser au maximum les énergies renouvelables pour l’électricité et pour la chaleur et de favoriser l’économie circulaire pour la gestion des déchets. L’AMEE, en effet, intervient désormais dans le développement de la production propre dans l’industrie, l’efficacité énergétique et la mobilité durable, avec un focus important sur l’accompagnement du secteur industriel marocain à sa décarbonation. Il ne faut pas oublier que l’Europe, qui est notre principal partenaire, se prépare à l’adoption d’une nouvelle mesure non tarifaire : «la taxe carbone aux frontières». Les conséquences d’une telle mesure sur les exportations risquent d’être importantes et nous devons en faire un atout pour notre pays en faisant profiter nos industriels du bas coût des énergies renouvelables qui sont par nature décarbonnées.